Qu’est-ce qui vous sépare ?
Tiraillé entre la pureté de l’idée initiale idéalisée, et la dure confrontation à la réalité. Mon pathos est mis à rude épreuve face au terrassier qui travaille par un jour de grêle. Un architecte reste l’enfant qui a aimé joué aux legos, non ?
Sur quoi ne lâcherez-vous jamais ?
Garder toujours l’humour, le détachement et l’auto-critique. J’aimerais être capable de toujours montrer les imperfections de mes projets. Lors d’une conférence au Pavillon de l’Arsenal, j’ai été bluffé par un confrère qui présentait un de ses bâtiments uniquement au travers de photos de malfaçons de chantiers.
Que souhaitez-vous changer ou modifier dans l’exercice de votre métier ?
Se donner le temps (de lire, d’écrire, de peindre, de voyager …) Multiplier les associations avec des créatifs de tous domaines.
Vous sentez-vous porteurs : – d’un message ? – d’un engagement ?
Elargir le champ de vision, comme dans « Mommy » de Xavier Dolan. Il faut toucher au sens propre l’architecture. Mes amis avec qui je pars en voyage sont toujours étonnés de me voir « caresser » : la rugosité d’un moellon, la planéité d’un parquet… Il faut constamment questionner l’usage des bâtiments : c’est au travers de l’acuité de cette analyse qu’un « projet » peut prendre forme.
Comment avez-vous vécu votre « première chance », votre première commande ?
Franchement, c’était comme si quelqu’un m’avait donné une grande tape dans le dos pour me pousser à réaliser un saut de l’ange. Heureusement, le soutien réciproque dans le bâtiment existe avec les entreprises, et on trouve également des clients compréhensifs. Ce que j’ai réalisé alors : on sait quand un projet commence, jamais où il s’arrête.
Où sont les gisements de travail et d’activité encore inexploités ?
Est-ce que je dois partager ce trésor ? Toujours convaincre les maîtrises d’ouvrages de la plus-value apportée par notre savoir-faire. Il y a bien sûr aussi la transition énergétique qui nous oblige à repenser la transformation du patrimoine existant ; mais je ne suis pas bien sûr du rôle laissé aux architectes dans ces projets de techniciens.
Quel sens revêt aujourd’hui pour vous la notion d’oeuvre ?
Une projet, c’est d’abord une transposition : d’une culture, d’une madeleine de Proust, d’un paysage, d’un visage rencontré, d’une ballade, d’une mélodie… Nous prenons alors nous-mêmes part à la fabrique des souvenirs. Je me positionne souvent en nostalgique.
Vous reconnaissez-vous des maîtres, sinon des guides, au moins des précurseurs ? Si oui, qui ?
Par petites touches, je suis plutôt fasciné et façonné par : l’amour de l’artisanat d’un Peter Zumthor, l’intello-dissection d’un Francis Soler, l’auto-dérision d’un Stéphane Maupin, la construction sèche d’un Prouvé… Sinon, allons voir également les réalisateurs. Ceux-ci sont capables de jouer fortement avec la chronologie : pic du suspens chez Hitchcock, rythmes cycliques chez Kubrick, mise en scène musicale chez Jean Renoir ou Minnelli.
Existe-t-il à votre avis une école ou du moins un sillon ligérien ?
Le collectif Oxymore qui a transmis une posture caractéristique aux nouvelles générations nantaises. Cette posture ligérienne existe donc mais les opérations produites en Pays de la Loire sont souvent trop peu représentatives de ce sillon.
Préférez-vous parler de communauté (d’architectes) plutôt que de profession (d’architecte) ?
Souvent, on invoque la disparition de l’architecte-artisan installé en libéral, au profit des sociétés d’architecture cotées en bourse. Mais j’observe que ces dernières semblent subir de réelles difficultés, alors que les jeunes indépendants semblent avoir trouvé une souplesse et une adaptabilité. C’est alors que l’on voit renaître la « confrérie » architecturale, notre capacité à se serrer les coudes et à faire communauté.